dimanche 24 mai 2015

Ian Manook : "Yeruldelgger" vous téléporte en Mongolie !

***** 2013 (Ed. Albin Michel, 542 p.)
Réf. géogr : France (auteur) / Mongolie (intrigue)

ouah...
Quelle claque !
Découverte d'un roman policier MAGISTRAL.
Une pépite, qui se déroule en Mongolie, écrite par un auteur... français (Ian Manook, qui est le nom de plume inversé de P. Manoukian). Nous avons en effet des auteurs français qui sont de vrais caméléons pour s'immerger dans des pays étrangers et nous offrir des polars qui sentent tellement le cru local (comme Caryl Férey et ses "Mapuche", "Hata", "Zulu"...).

Manook transporte son lecteur des bas-fonds glauques et miséreux d'Oulan Bator (plongée dans les égouts comprise) jusqu'à l'immensité des steppes mongoles, lui fait manger ravioles de mouton gras et marmottes (boodog) farcies aux galets chauds, arrosées de thé salé au beurre rance. Sans oublier au petit déjeuner toujours ce thé au beurre salé mais avec miam une tartine de myrtilles à la crème. 
"Les restaurants qui servent de la nage de mouton et du caillé de yaourt tiède devraient être inscrits au patrimoine national."
Yeruldelgger est un policier d'Oulan Bator, bourru mais honnête, désenchanté en raison de drames familiaux, mais toujours attaché aux traditions. Il est entouré d'une adjointe sans peur ni reproche, d'une médecin-légiste dévouée et tout aussi attachée aux traditions (qui habite dans une yourte transplantée en pleine banlieue sinistre), d'un gamin des rues (Gantulga) attachant...

L'histoire commence par la découverte du corps d'une fillette blonde enterrée dans la steppe avec son tricycle rose. Et aussi des cadavres mutilés de chinois, dans une usine de la capitale, et dans une décharge des corps de prostituées la bouche farcie de parties génitales.

L'enquête nous mène tambour battant de cette ville si laide (grise à l'image des constructions de l'ère post-soviétique, transpercées ça et là des constructions modernes et anonymes symboles du monde des nouveaux riches qui écument le pays) aux paysages à couper le souffle de la Mongolie des prairies, des forêts et des collines. L'auteur réalise ce tour ce force de nous permettre de sentir l'odeur des conifères et de l'herbe, d'admirer les paysages époustouflants, rien qu'avec ses mots. Magique.

La géopolitique n'est pas oubliée puisque l'intrigue tourne autour de ces minerais rares dont regorge le sol mongol et qui attise les convoitises des magnats chinois, russes, coréens... Ces étrangers avides qui se repaissent du pays en le dénaturant avec leurs quads mugissants et polluants, et leurs orgies.

J'ai hâte de lire la suite, "Les temps sauvages", qui vient de paraître...

Diaporama de mon voyage en Mongolie :


"Yeruldelgger, tout comme la plupart des Mongols, ne savait rien des exactions commises par les nazis en Europe. C'est pour essayer de comprendre la violente indignation de certains touristes français qu'il s'était pour la première fois rendu à l'Alliance Française pour se documenter. [...]- Comment pouvons-nous ignorer l'holocauste de six millions de Juifs ? s'était-il indigné à l'époque.- Parce que ce n'est pas notre histoire, avait répondu tristement Solongo.- Six millions de morts, comment cela peut-il ne pas être notre histoire à nous aussi ?- Notre histoire à nous, elle est plus proche des quatre-vingts millions de morts de Staline, des centaines de millions de morts de Mao et des autres. [...]- Mais ce sont quand même six millions de personnes assassinées !- Je sais, avait répondu Solongo. Je comprends et je n'excuse rien. Je te dis juste que si nous n'en savons rien, c'est que ce n'était pas notre histoire. Notre histoire à nous, pendant ce temps-là, c'était le massacre de nos moines, la destruction de nos temples, et l'interdiction de notre langue. Combien d'Européens le savent, Yeruldelgger ? Et il ne faut pas leur en vouloir parce que ce n'est pas leur histoire non plus."
"Il n’avait pas touché un arc depuis longtemps, mais après son récent séjour au monastère, il savait la puissance et la précision de son tir encore intactes au fond de lui. C’est ce que lui avait réappris le Nerguii : « Tout, toujours, reste en nous, c’est nous qui oublions. » Il observa une dernière fois la scène depuis le haut de la colline. Un naadam de campagne comme il en avait tant fréquenté dans sa jeunesse. Chaque Mongol portait en lui un inoubliable souvenir de naadam : une première cuite, un premier baiser, un premier amour, une première bagarre, une première blessure, une rupture, une infinie solitude dans la foule… Nul doute que ce naadam là allait aussi marquer la vie de Yeruldelgger."
--> les chroniques "polars", "livres choisis" et "voyages"...

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