vendredi 29 novembre 2013

Richard Ford : "Canada"

***** Réf. Géogr : Etats/Unis & Canada (Ed. de l'Olivier, 2013)
Première phrase du roman :
 « D’abord, je vais raconter le hold-up que nos parents ont commis. Ensuite les meurtres, qui se sont produits plus tard. C’est le hold-up qui compte le plus, parce qu’il a eu pour effet d’infléchir le cours de nos vies à ma sœur et à moi. Rien ne serait tout-à-fait compréhensible si je ne le racontais pas d’abord.
Nos parents étaient les dernières personnes qu’on aurait imaginées dévaliser une banque. Ce n’étaient pas des gens bizarres, des criminels repérables au premier coup d’œil. Personne n’aurait cru qu’ils allaient finir comme ils ont fini. C’étaient des gens ordinaires, même si, bien sûr, cette idée est devenue caduque dès l’instant où ils ont bel et bien dévalisé une banque. »

Un roman qui prend son temps… Le portrait captivant de l’Amérique des années 50 et 60, d’une famille de la middle class, d’un couple « mixte » (un Américain du Sud des EU et une immigrante juive polonaise) qui se désunit. Un air de Bonnie and Clyde. 
J’ai trouvé cette lecture aisée et intéressante, sans que ce soit toutefois un coup de cœur. Là encore, les critiques dithyrambiques dans la presse m’ont étonnée : certes un bon livre, mais pas un roman d’exception… Or "Canada" a été couronné du prix Femina du meilleur roman étranger 2013. (je file un mauvais coton avec les prix Femina cette année !)

Dell Parsons et sa jumelle Berner ont 15 ans et vivent à Great Falls dans le Montana.
Père, Bev, ancien pilote de l’armée, remercié pour avoir traficoté des livraisons de viande avec la communauté indienne…
Neeva la mère, juive, prof, l’air revêche et un peu asociale, qui a tenu à élever ses enfants en les tenant « à l’écart », sans créer d’attaches.
Le père se laisse entraîner dans des combines foireuses de trafic de viande volée par les Indiens et revendue au chef noir des wagons-lits… Jusqu’au hic, quand le voilà incapable de payer une grosse livraison aux Indiens, qui le menacent alors de mort, lui et sa famille.
Il déprime un peu le paternel, d’avoir mis bêtement en danger sa famille. Il gamberge et soudain hop, la solution la plus simple lui vient à l’esprit : braquer une banque dans le North Dakota voisin ! En enrôlant tant qu’à faire sa pauvre femme comme complice ! Du reste, s’il avait pu, il aurait enrôlé son fiston, mais la mère a mis le holà…

Le récit du cambriolage est burlesque… Dès le lendemain, la police vient cueillir les deux parents. Et les enfants se retrouvent seuls dans la maison, ne sachant même pas cuisiner un steak congelé… La sœur minaude auprès de son petit ami, et s’enfuit loin de cette ville et de cette vie qu’elle a toujours détestées. Reste Dell, qu’une amie de sa mère transborde de l’autre côté de la frontière dans un bled paumé du Saskatchewan. Le Canada où nombre d’outlaws américains se réfugient, et Dell en fait quelque sorte partie. Surtout après être devenu une seconde fois victime du destin et mêlé bien malgré lui à deux meurtres.

L’histoire est racontée par Dell, un ado attachant qui aime lire et dévore son encyclopédie, passionné d'échecs et d’apiculture, et qui rêve d’aller à la foire agricole de Great Falls visiter les stands d’apiculteurs. Son père le lui a promis, mais la promesse n’est pas tenue… Dell aime aussi l’école, mais à 15 ans s’en trouve privé. Il devient un petit naufragé, solitaire, isolé, apprenti guide de chasse aux oies, et bientôt complice de meurtre en cavale.

On le retrouve 50 ans plus tard, devenu enseignant, lui qui à un moment de sa vie s’était retrouvé déscolarisé contre son gré : il a finalement su retourner le sort et tracé sa voie.

--> voir mes autres  "lectures d'Amérique du Nord"...

jeudi 28 novembre 2013

Leonora Miano : "La saison de l'ombre" (Cameroun)

***** 2013 Réf géogr : Afrique de l'Ouest
Le sujet (la vie d'un village d'Afrique de l'Ouest confronté à la traite négrière) m'intéressait, les critiques étaient favorables, l'obtention du prix Femina 2013 a précipité ma lecture de ce roman, que je n'ai hélas pu terminer. 
Une écriture trop difficile pour moi, qui me suis aussi vite sentie perdue parmi les personnages aux noms très proches. 
Je n'ai pas été gagnée par la poésie annoncée de ce texte et j'ai préféré renoncer. Je ne peux qu'admirer les jurés et les autres lecteurs qui semblent être nombreux à avoir apprécié ce roman.

--> voir mes autres "lectures d'Afrique"...

dimanche 17 novembre 2013

Imraan Coovadia : "Flux et reflux" (Afrique du Sud)

***** High Low In-Between - 2009
(Editions Zoe / Ecrits d'ailleurs, 2013, 336 p, traduit par L. Cantagrel)


Tout d'abord, et ce n'est pas dans mes habitudes de m'attarder sur ce genre de commentaires, mais la "texture" du livre m'a enchantée ! Je ne connaissais pas les Editions ZOE, eh bien chapeau pour le travail d'artiste qui a façonné un ouvrage de si belle qualité. Un plaisir de le toucher, de tourner les pages... Cela faisait longtemps que je n'avais pas ressenti autant de plaisir à tenir un livre. De même pour le texte, aucune coquille. Du très bel ouvrage !
L'histoire m'a intéressée, je ne dirais pas "passionnée" mais la pointe d'intérêt et le plaisir de lecture étaient au rendez-vous. Très intéressante cette immersion dans la Durban contemporaine, cette mégalopole sud-africaine (2e ville la plus peuplée après Johannesburg) au coeur du pays zoulou, dans la province du Kwazulu-Natal.
Que savais-je de Durban ? une vague notion de port et station balnéaire sur l'océan indien... C'est tout. La ville est en fait le plus grand port import-export d'Afrique du sud et un centre industriel textile entre autres. Et le roman dépeint parfaitement l'identité de Durban...

Ce roman possède une vertu indéniable : nous ouvrir les yeux sur un autre racisme qui ronge l'Afrique du Sud. 
L'histoire se déroule de nos jours, l'apartheid est une page tournée et un gouvernement noir tient les manettes. Toutefois, le roman plonge au coeur de la communauté indienne, dont les protagonistes furent aux côtés des militants de l'ANC durant les années de lutte contre le pouvoir blanc. A présent que le black power est en place, la communauté indienne fait face à une discrimination propre et insidieuse. Particulièrement active dans la sphère médicale à Durban, elle se voit peu à peu ostracisée.

Zoom sur le quotidien de Nafisa, son fils Shakeer, son employée Estella et les nombreux personnages qui gravitent autour d'eux, de la communauté indienne ou de la patientèle zouloue. Au fil des jours, Nafisa commence à se poser des questions sur la mort de son mari, et cela provoque comme un déclic en elle : elle aborde les gens, sa famille proche ou éloignée, les amis de la famille, les commerçants ou les collègues sous un angle nouveau. 
Elle découvre ces gens qu'elle croyait connaître, et qui ne sont pas du tout ce qu'elle pensait d'eux. Où donc avait-elle vécu avec des oeillères toutes ces années ? En tout cas, Nafisa rattrape le temps, règle ses comptes et ouvre les yeux sur la vraie vie.

C'est là le fil rouge de l'histoire. Il ne faut en effet pas s'attendre, comme l'y invite à tort le résumé de couverture, à un roman policier ou un thriller médical sur fond de trafic d'organes : ce ne sont que toile de fond de ce livre qui nous fait vivre le sursaut de Nafisa après la mort de son mari, son combat quotidien contre le sida qui gangrène la population, et les dénégations du gouvernement trop honteux de reconnaître cette pandémie. 
Un léger bémol quant aux dernières pages, que j'ai trouvées un tant soit peu bizarres...


4e de couverture : "Dans l’Afrique du Sud contemporaine, Arif, professeur de médecine, est tué chez lui d’un coup de revolver. Sa mort plonge Nafisa, sa femme, et Shakeer, son fils, dans un monde d’énigmes et de non-dits, de trafics d’organes et d’argent, de conflits politiques, scientifiques et raciaux, sur fond du drame lancinant du sida. Mère et fils, aussi liés qu’étrangers l’un à l’autre, sont amenés à remettre en cause leurs convictions et leur mode de vie, à clarifier leurs relations avec leurs proches, dont ils découvrent qu’ils savent si peu.
Cette tragédie intime et familiale est aussi un tableau de la ville de Durban et de sa communauté indienne musulmane, et, au-delà, une réflexion sur la difficulté à tourner une page, à prendre un nouveau départ, dans un monde où différentes communautés coexistent sans communiquer entre elles."


- "Les nouvelles étaient préoccupantes. Ils avaient entendu parler d'une polarisation raciale à Howard College et dans la faculté de médecine. L'administration et le gros des étudiants étaient composés d'Africains noirs, tandis qu'un bon nombre d'enseignants étaient des Indiens qui n'avaient pas encore été forcés à partir." (p.189)

- "Neuf millions de Zoulous partageaient un même univers. Bien sûr, il existait d'autres univers, bien plus grands - l'univers swahili, l'univers chinois -, et cette idée l'angoissait. Mais cela la rendait perplexe de vivre au milieu de neuf millions d'êtres, de les soigner, de les payer et d'en être payée, d'être enterrée dans un sol qu'ils revendiquaient comme le leur, tout en ne parvenant jamais à comprendre comment ils pouvaient être aussi sûrs de la place qu'ils occupaient au monde, et de celle qui lui revenait, à elle. Et pourtant ils en étaient sûrs, et elle, non." (p.223)

-- Voir aussi mes "Lectures d'Afrique"

samedi 2 novembre 2013

Servais : "Le jardin des glaces"

La BD au milieu de mes plantations d'automne
***** Réf. géogr. Belgique (Ed. Aire Libre, 2008) 

Très très jolie bande dessinée...

Pour les amoureux des jardins, c'est un délice d'admirer les superbes planches du jardin de Monsieur Francart au fil des saisons. Même en hiver, ce jardin est beau à voir...

J'ai adoré lire les "notes manuscrites" que tient ce vieux Monsieur pour décrire la vie de son jardin : commentaires sur le temps, l'arrivée des bourdons, l'éclosion des fleurs au printemps, la cueillette des graines de coquelicot...
Cela m'a fait penser à mon arrière-grand-mère.

Avis aux lecteurs non jardiniers: c'est une BD également très intéressante, qui met en exergue la problématique du réchauffement climatique. 



Subtilement, l'auteur distille des allusions aux dégâts sur la planète, au travers de la vie de son jardin souvent perturbée par le climat, et via les actualités dans le monde relatant canicule et incendies en Europe du Sud, inondations au Soudan,en Ethiopie, au Niger, crues en Angleterre, déluge en Corée, moussons meurtrières en Asie...

Car notre vieux jardinier fut alpiniste et explorateur polaire avant de se refermer sur son jardin...

Au fil des superbes pages, nous découvrons en filigrane la tragédie qui a éclaté au cours de la dernière expédition de Monsieur Francart et de son jeune coéquipier dans le grand nord canadien.
Nous comprenons l'attitude un peu particulière de son épouse Mathilde, qui m'a intriguée dès le début de l'histoire.

 A la fin de cet album, quelques pages sur l'homme qui inspira cette histoire : l'explorateur Alain Hubert...

--> petite chronique "BD"...



vendredi 1 novembre 2013

Lemmy n'est pas en forme : Motörhead annule sa tournée

Personal message from Lemmy. European tour postponed.
"I have to sadly let you know that Motörhead has had to postpone the forthcoming European tour until early next year, 2014.
We have made the decision because I am not quite ready to hit the road yet, and am working my way back to full fitness and rude health. Don't worry - I'm not about to start promoting veganism and alcohol-free beverages, but it is fair to say that I personally have been reconfiguring areas of my life to make sure I can come back fitter and stronger than ever.
It disappointed me tremendously to have to say I wasn't quite ready to hit the road yet, but not nearly as much as it would've disappointed me to go out, play some average shows and watch my health give way long before the tour was over! When people come to see a Motörhead tour, they expect a Motörhead show, and that is exactly what you will get as soon as I am fit and ready to rumble.
Your patience and understanding is appreciated...and know that I'm getting stronger and stronger every day, so watch out next spring Europe and we will see you then."
Thank you all"   -  Lemmy

Voilà, il n'y aura pas d'Ace of Spade le 9 novembre à Paris.
Nous avions il y a quelques jours pu découvrir l'intimité de Lemmy dans un documentaire de 2010 diffusé sur Arte en version expurgée certes. Lemmy, 67 ans aujourd'hui, se dévoilait (tiens il a des figurines Simpsons !), et mentionnait qu'il était diabétique, entre deux rasades de whisky.
Allez, soigne-toi le cowboy et get well soon !

--> chronique "MUSIQUE" et page "CONCERTS"

Marie N'Diaye : "Ladivine" (ça se lit)

***** 2012 - Réf géogr : France + un pays d'Afrique ? (Ed. Gallimard)
Avec Marie N'Diaye, je revenais de loin : je n'avais pas du tout aimé son roman Rosie Carpe , vraiment pas. (cliquez pour voir ma critique d'alors...)
Donc je me suis fait violence et lancée dans la lecture de Ladivine.
Ai-je aimé ? mouais... je l'ai lu en entier.
Je viens de donner mon avis ô combien déçu sur le dernier livre d'Alice Ferney  "Cherchez la femme"
Eh bien j'ai trouvé des similitudes avec "Ladivine" que j'avais lu auparavant. Cette façon de décortiquer les personnalités des protagonistes, de détailler à l'infini le moindre fait ou geste qui ainsi peut couvrir plusieurs pages...  Résultat : très peu d'action, mais énormément de réflexions et paraphrases et redites...
Cela dit, j'ai de loin préféré le style de "Ladivine". Je reconnais à Marie N'Diaye une belle écriture - des phrases ciselées, un brin de poésie - qui m'a portée jusqu'à la fin de ce livre de 404 pages alors que j'ai vite renoncé au roman d'Alice Ferney.

L'histoire de Ladivine ? Là le bât blesse ! 
Qu'est ce que c'est encore que ces personnages tordus ? même remarque que pour Rosie Carpe !
Une femme, Malinka/Clarisse Rivière qui construit sa vie en ostracisant sa mère, Ladivine que l'on devine d'origine africaine ou antillaise je ne sais trop, dont elle a honte. Clarisse est née blanche et renie sa mère au teint de couleur. C'est une chose, mais en outre elle surnomme sa mère "la servante"... Cela campe ce personnage pour lequel on ne peut développer de l'empathie.

Clarisse mène donc deux vies, car une fois par mois elle redevient Malinka et rend visite à  sa mère, et le reste du temps elle est Madame Rivière, mariée, et sacrément transparente et ennuyeuse... tant et si bien qu'après la naissance de leur fille (prénommée... Ladivine ! c'est quoi ce cirque !), Richard le mari s'enfuit loin très loin de cette femme aseptisée et insondable.
Clarisse refait sa vie un peu malgré elle sans vraiment maîtriser le cours du destin. Là, on retombe en plein délire rosiecarpien avec sa galaxie de cas sociaux... Je ne raconte pas tout mais la pauvre Clarisse, et son petit gilet en cachemire, en aura pour son argent.

La troisième partie du roman nous emmène en Allemagne où la fille, Ladivine, est professeur , mariée à Marcus et mère de deux enfants. J'ai moins accroché à cette partie. 
J'ai été bien déconcertée par le personnage du père Richard, qui avait refait sa vie à la montagne. Lui et ses 4x4. Et j'ai été encore plus déconcertée par les vacances de Ladivine et sa petite famille allemande dans un pays d'Afrique où là le scénario part totalement à vau-l'eau : grandguignolesque en commençant par la perte des valises, l'invitation à un repas local, le meurtre et la résurrection du jeune "guide" Wellington, les amis hallucinants de Richard !...

Restent des pages superbement écrites, pour une histoire de relations fille/mère compliquées, de dissimulation permanente, de pointes de culpabilité, de déprime, sans jamais un vrai moment de bonheur.
Je me demande si, après mes expériences Rosie Carpe et Ladivineje vais réussir à me lancer dans "Trois femmes puissantes" (en ai-je même envie ?).

--> Voir plutôt ma chronique "Livres choisis"  et la page de mes "Romans préférés"...
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